#ActuCampus - Ras le bol des réformes du gouvernement

Au cours de manifestations du 16 au 18 octobre, l’Union Nationale Lycéenne (UNL) et surtout l’Union Nationale des Etudiants de France (UNEF) ont affirmé leur énième ras de bol contre les réformes du gouvernement.

Les syndicats donnent l’assaut

Café à la main, William Martinet, président de l’UNEF, enchaîne les interviews. A défaut de touillette, il remue le couteau dans la plaie éducative et veut « remettre les choses à plat ». Son objectif : « un service public qui soit financé à hauteur de ses besoins et dont la priorité soit de faire réussir ses étudiants ». Le Tumblr #masalledecoursvacraquer lancé le 21 septembre n’était que les préliminaires d’un combat destiné à se finir dans la rue. Tout de bleu vêtu, la Fédération des Associations Générales Etudiantes (FAGE) dégaine aussi à coups de banderoles et de gorges déployées.

65 000 étudiants de plus cette année, le résultat : 35 personnes par classe dans les lycées et des amphithéâtres qui débordent, « c’est énorme » assure Cassandre Bliot, responsable des questions au sein de l’UNEF. En cause notamment le baby-boom des années 90 mais aussi la nécessité en temps de crise d’avoir un diplôme. A cela s’ajoute un choix massif des étudiants pour l’université à la rentrée 2015. Plus d’étudiants mais pas forcément plus de professeurs, et même carrément moins. « Aujourd’hui, on a un tiers voire la moitié des postes créés qui en réalité sont gelés par les établissements pour qu’ils puissent faire des économies » dénonce la porte-parole. Les postes qui ne sont pas repris sont assurés pas des vacataires, c’est-à-dire des étudiants qui sont en formation pour devenir enseignants. Même si ce phénomène a toujours existé, poussé à son extrême, il tend à affecter la qualité de l’enseignement dispensé.

Et quand il n’y a plus de place dans les amphis, on retrouve les syndicats étudiants dans la rue avec #masalledecoursvacraquer. « On sait que c’est une mobilisation qui durera sur le long terme, on ne lâchera pas le morceau » s’exclame William Martinet. Justement, cette manifestation s’inscrit-elle vraiment sur le long terme ? Est-il possible de réformer l’Education nationale ?

Des réformes entre « enfumage » et « fausse communication »

L’Etat est optimiste, le président de l’UNEF un peu moins : « des réformes, il y en a eu mais il est difficile d’en obtenir qui soient dans l’intérêt des étudiants ». Rien ne semble aboutir à un cessez-le-feu entre gouvernement et syndicats ; pas même les 165 millions d’euros promis par l’Etat dans le cadre du projet de Finances de 2016.

Interrogé à la manifestation, un professeur membre du Syndicat National de l’Enseignement Supérieur (SneSup) déclare « ce sont des contre-vérités, les 150 millions ne sont pas un apport au budget ». Visiblement remonté comme une arbalète, l’enseignant en IUT en a oublié une partie de sa leçon. Des 165 millions annoncés, 100 millions d’euros ne seront pas ponctionnés tandis que 65 y seront réinjectés. Une des mesures phares annoncée par Thierry Mandon, secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur dans le projet de Finances de 2016. L’éducation comme premier budget de l’Etat ? « Là c’est de l’enfumage ! » bombarde Cassandre Bliot. La porte-parole sort la hache de guerre et enterre la paix : « il y a une fausse communication de la part du gouvernement et au-delà de ça, un double discours ». Les postes créés sont gelés et l’investissement, à mettre entre guillemets selon elle, représente en réalité cinq fois moins que ce qu’il faudrait. Elle cite alors Thierry Mandon, qui semble lui aussi tenir ce « double discours » : « il nous explique qu’en réalité il faudrait un milliard d’euros voire plus pour que les universités puissent accueillir tous les jeunes qui aujourd’hui souhaitent suivre des études supérieures ».

Finalement, il semble difficile de s’y retrouver entre revendications et contestations ; entre l’Etat qui assure tout mettre en place pour ses étudiants et les discours assassins des syndicats. L’imbroglio politique est à son paroxysme au moment où William Martinet déclare « les établissements en concurrence ne choisissent pas de faire réussir les étudiants avec le peu de moyens qu’ils ont ». L’ennemi à abattre des syndicats devient alors l’austérité qui est « un choix » selon Cassandre Bliot. Elle est une « chape de plomb », « les grands discours et les belles mesures sont compliqués à mettre en place quand on n’a pas les moyens suffisants ». Alors que l’Etat français fait face à une crise économique mondiale, la porte-parole estime que « le gouvernement a du mal à comprendre ».

L’Etat et les syndicats regardent-ils au bon endroit ?

Les réformes sont-elles un coup de bluff ou sont-elles une véritable force de frappe ? Les syndicats semblent tous unanimes sur la question. Cassandre Bliot martèle son discours : « ne pas investir dans l’enseignement supérieur coûte plus cher sur le long terme à l’Etat que ça ne lui rapporte ». Le sujet de l’autonomie des universités fait également grincer les chaises des syndicats. Alexane Riou, vice-présidente de la FAGE, s’exprime « l’autonomie n’est pas un problème, c’est son accompagnement de financements qui en est un ». Pour l’UNEF cela donne « les pleins pouvoirs » au président d’université. Celui-ci peut décider de redistribuer l’argent alloué par l’Etat « dans un laboratoire d’excellence ou un master d’excellence plutôt que de le mettre en premier cycle pour accueillir les étudiants ». On en revient finalement toujours au budget. D’autant plus qu’il est nécessaire pour le syndicat de « flécher les moyens financiers accordés aux universités » et celle du « mode de calcul de ces financements ».

Mais cette mesure permet de mettre en lumière le fait que le financement n’est pas le seul point noir au tableau. Benjamin Marsant, professeur dans un collège de la Seine-Saint-Denis, souligne le « manque de continuité » des réformes. Entre la succession des gouvernements et les changements de ministères, le laps de temps est trop court pour mettre en place de véritables mesures. A défaut de réformer l’éducation nationale, ne vaudrait-il pas réformer le mandat de ceux qui en font leur cheval de bataille ? Sans rentrer dans les profondeurs d’un système qui nécessiterait pour certains une refonte totale, force est de constater que d’autres combats sont à mener, ailleurs que dans les caisses des universités, fer de lance des syndicats.

On serait donc tenté de penser que les syndicats et l’Etat ne regardent pas toujours au bon endroit et surtout pas dans la même direction. Cela pénalise finalement les étudiants. Le budget comme nerf de la guerre, le gouvernement jette de la poudre au yeux des syndicats qui montent au créneau. Mais pour quel résultat ? Face à l’incompréhension, la volonté de faire réussir les étudiants semble déchirée entre deux camps qui ne parviennent pas à trouver la paix.

Laurie Colinet et Coline Vazquez