L’Etudiant Autonome se penche sur un métier souvent victime de préjugés, le métier de chanteur, à travers le portrait d’une jeune artiste, Emilie Marsh.
Emilie Marsh est une jeune chanteuse en pleine ascension. Depuis plusieurs mois, elle remporte les tremplins les plus prestigieux : Le Mans Cité Chanson, le Pic d’Or de Tarbes (Prix du jury et du public), le Prix du jury du tremplin Play it Indie à Paris. Cet été sur la route des Festivals, elle fait notamment partie de la programmation des Francofolies de La Rochelle.
Cette jeune rockeuse est tombée dans la musique très jeune. « L’envie de faire de la musique est passée par les mots. J’écris depuis toute petite, et j’apprenais la musique en parallèle à l’école de musique. Un jour, j’ai réalisé que je pouvais mélanger les deux et faire une chanson. J’étais encore au lycée ». La chanson est donc rapidement, pour elle, une évidence.
La jeune artiste s’est donc découvert une vocation assez tôt. Alors que parfois la famille et les proches se révèlent réticents à accompagner une personne sur la voie artistique en raison de sa précarité, Emilie, elle, a eu de la chance : tout le monde s’est montré très encourageant. Pour autant, l’idée que cette passion puisse devenir un métier ne s’est pas imposée immédiatement pour elle. « Au début, je jouais dans un groupe. Puis j’ai commencé à chanter mes chansons et à faire des concerts toute seule. A mon deuxième concert, je me suis rendu compte que j’avais vraiment envie de faire ça ».
Mais vivre de la chanson, ce n’est pas si simple, car il faut obtenir le statut d’intermittent. Il s’agit en réalité non pas à proprement parler d’un statut, mais d’un régime spécifique d’indemnisation de chômage instauré en 1936 grâce au Front populaire. Le code du travail définit une présomption de salariat qui permet aux artistes, ouvriers et techniciens du spectacle et de l’audiovisuel d’être considérés comme des salariés tout en profitant de certains avantages liés aux conditions de travail précaires.
L’Etat a voulu protéger les métiers du monde du spectacle et de l’audiovisuel confrontés à une instabilité chronique en raison de la succession de contrats à durée très courte pouvant être renouvelés à l’infini, contrairement aux CDD traditionnels. Ces contrats correspondent principalement aux dates de concert des artistes. Une indemnisation entre les contrats est donc nécessaire. Cependant, tous les artistes ne peuvent prétendre au statut d’intermittent. En effet, pour obtenir les allocations liées à ce régime particulier, il faut valider 507 heures de travail sur dix mois et demi. Ce n’est pas toujours facile dans un métier où les heures ne sont pas comptabilisées au réel.
Voilà près de 5 ans qu’Emilie Marsh bénéficie de ce statut. « C’était mon rêve ! » Mais elle ne cache pas les difficultés liées à cette situation, car maintenir son statut d’intermittent est une véritable bataille : « Ce n’est pas facile. Le secret, c’est de se diversifier dans sa pratique. Moi, j’accompagne des gens à la guitare, je travaille un peu pour le jeune public, je fais mes concerts et plein d’autres projets. Après, quand ton projet professionnel marche très bien, tu n’es plus forcé de faire autre chose, mais c’est toujours bien car plus tu te diversifies plus tu as de chance de vivre de ce métier. En ce qui me concerne, la majorité de mon intermittence, je la fais avec mes propres concerts. Pour les quelques heures qu’il reste, c’est mieux d’avoir d’autres projets ».
Derrière le statut d’intermittent, on trouve de nombreux préjugés sur le métier d’artiste. Ces préjugés, fondés sur une méconnaissance de ce milieu, laissent à penser que les artistes ne sont qu’une bande de fainéants qui profitent du système. Contre cela, la chanteuse réagit : « Il y a forcément des gens qui disent qu’on ne fout rien. Ils ne comprennent pas car ce système est compliqué. C’est dur de l’expliquer aux gens, d’expliquer que quand tu fais un concert, il y a aussi tout le travail en amont, notamment de répétition, qui fait que c’est normal que tu sois indemnisé pour ces jours-là. Face à ce genre de remarque, j’essaie d’expliquer un maximum car c’est souvent lié à l’ignorance. Les gens ne connaissent pas le système de l’intermittence ».
La vie d’artiste, c’est également un certain nombre de contraintes au quotidien, car cela implique de voyager sans cesse, donc de s’éloigner de ses proches. « Ce n’est pas une situation facile pour eux, ni même pour moi, raconte Emilie Marsh. J’aime vraiment cette vie-là. J’ai toujours eu besoin de mouvement, même quand je n’étais pas dans ce métier. C’est quelque chose qui me correspond, j’adore ça. Je ne suis jamais sédentaire dans la vie. Mais avec les proches, ce n’est pas toujours évident. Nos modes de vies sont parfois tellement différents que cela peut finir par poser des problèmes, c’est sûr ».
Epanouie dans son métier si particulier, Emilie Marsh n’envisage pas de quitter un jour le monde de la musique : « Je ne me vois pas faire autre chose. Quand tu as une passion et la chance d’en vivre, tu n’as pas envie que ça s’arrête. C’est génial d’avoir le temps de développer ce que tu fais et d’en vivre. Pour moi, l’artiste professionnel est obligé d’avoir ce temps-là… Il y a des gens qui arrivent à avoir un métier à côté et à garder un super niveau, mais c’est difficile. Chacun a sa logique, moi j’aurais du mal à faire autre chose. Peut-être qu’un jour je serai obligée, mais actuellement ce n’est pas le cas. Ce n’est pas contraignant en tout cas ».
Dans son métier, c’est avant tout le contact humain qui séduit tout particulièrement la chanteuse : « Ce qui me plaît le plus dans mon métier, ce sont les rencontres. C’est le fait de pouvoir partager ta musique avec ton public, d’avoir ce luxe sur une scène, de bénéficier d’une liberté totale, et pendant un temps donné de pouvoir faire ce que tu veux. Il y a aussi tous les gens que je rencontre. C’est vraiment un cadeau de la vie. J’ai l’impression d’appartenir à une famille dans la musique ».
Que ce métier ait de bons côtés n’empêche pas qu’il en soit un… La prochaine fois que vous verrez un artiste sur scène, vous saurez qu’il n’est pas en vacances !