Hier, est sorti, chez Hugo Thriller : Cyanure. Après Charade, revoilà Laurent Loison et son commissaire Bargamont. En 434 pages, l’auteur nous conte l’histoire du plus prolifique tueur en série de la décennie, qui a ajouté à son tableau de chasse : Gonzague Verdine, le ministre des Affaires sociales et de la santé. Le romancier signe un polar palpitant dont vous ne devinerez jamais la fin… à moins que vous ne soyez prêts à rendre justice !

La plume de Laurent Loison

Les premiers chapitres sont cruciaux, même si l’aller-retour entre les années 80 et le présent peut dérouter. L’auteur installe là les personnages principaux en les introduisant par le prisme de leurs tendres années. Par la suite, les chapitres se suivent, le rythme est haletant, mais toujours maîtrisé. Cyanure comporte une citation littéraire à chaque début de chapitre : « N’attendez pas le jugement dernier. Il a lieu tous les jours. Albert Camus » (P9) ou encore « Ni l’intelligence ni le jugement ne sont créateurs. Antoine de Saint-Exupéry » (P137). Le romancier nous met en condition, le jugement est là, sous-jacent. L’auteur s’amuse même de son propre genre littéraire en y faisant référence : « Avec un peu de soleil, je me verrais bien m’allonger sur un transat, à lire un bouquin recommandé par les Mordus de thrillers » (P191) et « Ce n’est qu’à Opéra qu’il put enfin s’installer à côté d’un grand gaillard plongé dans la lecture d’un article de 20 minutes signé Laurent Bainier sur un thriller sanglant que Loïc se promit d’acheter dès l’enquête bouclée » (P295). Les références ne sont pas que littéraires, Laurent Loison nous parle aussi cinéma dans toute sa variété. Par exemple : Son regard sentait franchement le cul, comme aurait dit Bruno Solo alias Yvan dans La vérité si je mens » (P222) ou encore « Par qui déjà ? Le Scorpion ou par le Croate. C’est du Marvel, du DC Comics ? » (P245). Cyanure c’est une plume acide, avec une bonne dose de sarcasme. P167 par exemple c’est l’ENA qui en prend pour son grade : « Ce con m’a pris de haut sous prétexte qu’il sort de l’École Nationale des Arnaqueurs ». Peu importe le locuteur, le langage est cru : « Putain, tu veux que je t’envoie un bristol par la poste pour que tu accouches ? » (Barga p162) ou « J’en peux plus, je transpire comme une pute dans une église » (EQD p350).

Une enquête politico-médiatique

Le livre s’ouvre sur l’assassinat de Gonzague Verdine, le ministre des Affaires sociales et de la Santé. Il s’agit donc bien plus que d’une simple enquête policière et c’est pour cela qu’elle est confiée au commissaire Bargamont et sa compagne Emmanuelle de Quezac, nièce du ministre de l’Intérieur Maurice de Quezac. Florent Bargamont alias Barga doit donc composer avec des ministres, mais aussi le président de la République lui-même : Hubert Clark. Un homme que les médias dépeignent comme doué pour son mandat en témoigne les news radios disséminées ça et là dans l’histoire. Pourquoi Barga doit-il s’entretenir lui-même avec le président ? À cause de certaines lettres anonymes… L’homme de pouvoir semble, après leur rencontre, tenir en estime l’homme de loi : « Si ce Florent Bargamont découvrait l’auteur de ces lettres anonymes, il en ferait un ami digne de respect » (P101). Ainsi l’enquête est multiple, un véritable casse tête que le capitaine Loïc Gerbeaud va aider à démêler : « Loïc se demanda combien de temps durerait ce petit jeu de piste » (P293). Les médias sont présents pour demander des comptes sur l’avancée d’une telle enquête et Laurent Loison en profite pour en tirer une satire : « Dans son costume sombre, Gilles Bouleau, était l’incarnation de la sérénité. Grand patron de la messe depuis le départ de PPDA, le caustique avait succédé au mielleux. L’âge d’or de la langue de bois était révolu » (P149). Comme pour montrer que le président de la République est un homme comme un autre on le retrouvera désenchanté en fin de roman : « Un président dévasté, loin de l’homme charismatique et fringuant que la France connaissait. Toute assurance semblait l’avoir déserté : il ne restait qu’une coquille vide, un pâle reflet de celui qu’il avait été » (P403). Cyanure vous fera beaucoup réfléchir c’est certain, car quel peut donc bien être le lien entre un ministre, un chef d’État, un député, deux orphelins, un ex directeur de clinique et la Mort ?

Cyanure et sa #findeDINGUE

Laurent Loison avec Cyanure ne laisse pas le lecteur dans un coin. S’il faut que son audience soit attentive tout au long de cette enquête grandiose, la fin du roman est encore une étape à franchir. Le chapitre ultime requiert une sentence et l’auteur réclame que ce soit nous qui la livrions. Il fait appel à nous : « Et vous ? Que feriez-vous ? Imaginez-vous ? ». Laurent Loison explique qu’il a imaginé une fin pour ceux qui liraient Cyanure sur une île perdu sans connexion internet. On ne vous la livrera pas ici, mais disons qu’on préfère quand même la version alternative. Le chapitre ultime rend donc un verdict paresseux tandis que s’il on pousse un peu, le génie de l’auteur éclate. Comme il le dit lui-même : « J’ai fait le choix de te livrer une fin déconcertante, imprévue et peut-être désarmante » (P438). Ce sera donc vous qui déciderez qu’adviendra-t-il des protagonistes. Cerise sur le gâteau, vous serez plus qu’un témoin visuel de cette #findeDINGUE !

Tous les mardis et vendredis, nos rédactrices de la rubrique littérature vous parlent d’un livre qu’elles ont aimé. Ne tardez plus, allez découvrir nos autres chroniques !

Cyanure : Laurent Loison empoisonne les hautes sphères de l&rsqu;…

par Aliénor Perignon Temps de lecture : 4 min
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