Ce mercredi sort un film événement, qui a crée la surprise au box-office américain et qui compte bien faire la même en France : Get Out, réalisé par Jordan Peele. Connu pour son duo comique Key & Peele, le néo-réalisateur signe avec son premier film une bombe qui ne laisse personne indifférent.
Le malaise comme maître-mot
Connaissant Jordan Peele, on pouvait raisonnablement se dire que son film serait dans le même registre que son duo comique. Loupé, il troque son humour teinté de malaise pour de la tension et du bizarre teinté de malaise (mais rassurez-vous, l’humour n’est pas totalement absent). On suit Chris Washington, jeune photographe noir qui va rencontrer sa belle-famille blanche pour la première fois. Il appréhende que ses beaux-parents réagissent mal en découvrant que leur fille sort avec un noir. Chris n’imagine pas à quel point il a eu un sentiment prémonitoire. On sombrera avec lui dans ce qui s’apparente à l’antichambre de l’enfer d’une Amérique raciste qui se cache derrière une acceptante de façade. Jordan Peele utilise avec une pertinence formidable les codes du film d’horreur pour faire passer un message criant : blancs américains (voir occidentaux), votre racisme n’a toujours pas disparu. Il s’est juste mué dans une expression différente.
Le jeu sur l’identification
Jordan Peele est un excellent scénariste en plus d’un réalisateur talentueux. Il le démontre en connaissant parfaitement le phénomène d’identification au cinéma. En découpant son film en deux parties distinctes, il joue sur l’identification des spectateurs à ses héros. Un spectateur noir va se reconnaître directement en Chris, tandis qu’un spectateur blanc va se reconnaître de suite en Rose Armitage, la copine blanche de Chris. En jouant là-dessus, Peele n’épargne personne et nous donne des sueurs froides jusqu’au moment où le film bascule. Là où on attendait logiquement une dénonciation « classique » du racisme tel qu’elle est faite depuis toujours, Jordan Peele arrive à nous surprendre et à être encore plus incisif et pertinent. C’est à ce moment là que Get Out rentre dans la cour des grands films.
Get Out et la violence libératrice
L’aspect politique mis en avant, il faut aussi parler du formidable film divertissant qu’est Get Out. Le film est un jeu, où les dialogues sont aussi puissants pour transcrire son ambiance que la réalisation. Rarement un film n’aura aussi bien dosé ces deux ressorts du cinéma pour servir son propos. Le seul regret sera peut-être le dernier acte qui, malgré la jouissance monumentale qu’il procure au spectateur, semble expédié, trop court par rapport à toute la frustration accumulée durant le film. La jouissance qu’il procure dans son explosion de violence finale (on peut rapprocher cet effet de style avec la fin de Django Unchained de Tarantino) semble trop brève, pas assez présente dans la durée pour satisfaire pleinement une frustration accumulée durant 1h20 de film. C’est au final un minuscule reproche pour un premier film qui fera date à coup sur, et qui permet de mettre pendant deux heures le regard sur des problématiques étouffées aux États-Unis, mais aussi en France. Car en plus d’être pertinent, Get Out est universel et fera mouche partout.