Présenté en octobre 2014, Hatred avait fait instantanément polémique -au grand bonheur de ses créateurs-, avec son personnage psychotique et génocidaire, son ambiance malsaine, ses tueries de masse contre des civils et les nombreux scandales émaillant autour de son équipe (accusée à tort d’être composée de néonazis) ou le jeu lui-même, censuré sur twitchTV et Steam avant de revenir en grande pompe. Hatred est sorti lundi dernier. Crashtest.
Sin Carnage
Hatred n’est pas le premier jeu de tuerie de masse. On se souvient notamment de Postal et Manhunt, sortis en 1997 et en 2003. Mais alors que ces derniers, surtout Postal, enrobaient leur violence d’un second degré et d’un humour extrêmement noir, Hatred semble jouer la carte « sérieuse » de bout en bout. On y incarne un homme anonyme (appelles « Not Important » par les fans), haïssant la planète et l’humanité et qui, dans son désir de mourir violemment, va se lancer dans une croisade génocidaire, étalée sur 7 niveaux, allant d’un quartier d’habitation jusqu’à une base militaire en passant par un train ou des égouts. Après un tutoriel rapidement expédié dans la maison de Not Important, la chasse commence. Le principe est simple : un viseur rouge qui détermine la direction vers laquelle vous vous trouvez, clic gauche pour tirer, clic droit pour zoomer.
La première chose qui frappe aux yeux lorsqu’on joue (ou lorsqu’on regarde le trailer), c’est la patte graphique du jeu, tout en blanc, gris et noir avec quelques touches de rouge, rappelant inévitablement Sin City. La partie graphique est d’ailleurs incontestablement le point fort de Hatred, donnant un cachet énorme au jeu, les seules couleurs étant celles des flammes, du sang et des gyrophares de la police qui ne manquera pas d’essayer de vous arrêter par tous les moyens.
L’autre bon point est le moteur physique : en clair, tout est destructible, les explosions front trembler l’écran et voler en éclat les murs, le feu se propage naturellement, créant des séries d’explosions gargantuesques, comme ce moment ou j’ai lancé une grenade sur une voiture de police garée près d’une station-service. Il est possible de se frayer un chemin en explosant un mur avec une voiture bélier, ou de briser une fenêtre pour lancer une grenade à travers. De quoi encourager la créativité et débloquer le succès « Bay serait fier ».
Tout comme ses ainés et modèles, Hatred possède un humour très noir et une avalanche de critiques plus ou moins subtiles envers la société américaine ou le monde du jeu vidéo. Not Important se moque ainsi de « tous ces vers armés jusqu’aux dents mais faibles comme des nouveaux nés », des drogués qui « fuient la réalité de la vie au lieu de l’affronter » ou, lorsqu’il entre dans une maison avec la télé allumée sur un film ou un jeu de guerre, de ceux idéalisant la guerre et le meurtre tant que c’est loin de chez eux, et de nombreux autres discours que n’aurait pas renié Nietzche. A noter aussi que tuer en priorité des femmes vous permettra de débloquer le succès « Misogyne »… alors que l’inverse vous octroyera le titre de « Féministe » !
L’autre bon point est la souplesse du héros : malgré son gabarit, Not Important est aussi agile qu’un chat, courant et sautant par dessus les obstacles à toute vitesse. Le jeu est dans l’ensemble très fluide, donnant une sensation presque « aquatique » au carnage, avec une palette de mouvements (roulade, tir et rechargement en déplacement, mise à couvert) encourageant le joueur à une mobilité permanente.
Crime de masse organisé
Alors que le trailer montrait le personnage principal massacrant des hordes de civils paniqués à l’arme lourde, le jeu se révèle bien différent. Tout d’abord, Hatred est dur, et sans pitié : les respawn, débloqués par des quêtes secondaires visant à dévaster une zone particulière, sont peu nombreux (1 à 3) et en cas de mort définitive, c’est tout le niveau (qui dure souvent une demi-heure) qui est à refaire.
Dans Hatred, les munitions sont limitées, et même si on s’amuse au début à tout détruire au fusil d’assaut, on se rend vite compte que tuer les civils avec est un gâchis de balles, qui feront cruellement défaut lorsque le Swat ramènera ses fesses : mieux vaut tuer les civils avec un revolver ! On se retrouve vite à passer d’une arme à l’autre (3 au maximum sur une dizaine de modèles) en fonction de la situation, et on évite paradoxalement les massacres inutiles et gratuits.
La gestion des munitions et des dangers est primordiale dans Hatred, ouvrant un aspect « tactique » que l’on n’aurait pas cru. Ici, pas de medikit : le seul moyen de regagner la santé est d’exécuter une personne agonisante. Ici, le planqué est un homme mort, et Not Important doit donc continuer son carnage en permanence pour rester en vie, les civils devenant vite des « réserves de soin ». Lorsqu’on en tue, la police se ramène, puis le Swat (et l’armée vers la fin du jeu). Armés jusqu’aux dents et déterminés, ces derniers sont des adversaires réellement coriaces et organisés, se couvrant à coup de flashball et essayant d’encercler Not Important.
Minimum syndical
Alors Hatred, un bon jeu ? Oui et non. S’il a pour lui de solides arguments (patte graphique, gameplay, difficulté présente et sévère, mais rarement injuste, jouissive), il souffre aussi de quelques cruels défauts, même si certains sont inhérents à ce genre de jeu. L’IA tout d’abord. Oui, on n’attend pas forcément une IA intelligente dans un jeu de ce genre, mais celle de Hatred conjugue l’exploit d’être débile et surhumaine.
Ainsi, les civils et policiers perçoivent la présence de Not Important et fuient à son approche, même lorsqu’il est humainement impossible qu’ils l’aient vu. Et les policiers et autres individus armés lâcheront tous leurs chargeurs sur Not important … même si un mur d’un mètre d’épaisseur se trouve entre eux ! Dans leur précipitation à arriver sur les lieux des crimes du personnage, les policiers écraseront régulièrement au passage des civils ou des collègues fuyant dans tous les sens, parfois même vers Not important ! À côté, les civils feront parfois preuve d’actes de bravoure en ramassant les armes des policiers tombés au combat pour vous arrêter.
Hatred paye surtout une caméra très mauvaise, trop proche de l’action qui fait qu’on se fait régulièrement attaquer hors-champ, les armes ayant toutes une portée supérieure à celle de l’écran et un rythme mal dosé, avec quelques niveaux déconcertants de facilité (le train) et d’autres s’apparentant à une vraie purge (la base militaire).
Enfin, le jeu est optimisé avec les pieds, et se mettra vite à ramer et faire chauffer votre machine après une heure de fusillade. Tant mieux d’une certaine manière, car la répétitivité de Hatred le rend bien plus approprié aux courtes sessions de jeu. Le scénario est, comme vous vous en doutez, loin d’être fabuleux, même si moins pire que ce qu’on aurait pu attendre.
Grise mine
Alors, Hatred mérite-t-il la polémique qui s’était créée autour de lui ? Clairement pas. S’il est violent et amoral, Hatred ne transformera personne en tueur de masse, et la patte graphique permet une certaine distance avec l’action. Pas de quoi choquer le joueur moyen, qui verra des choses bien plus horribles sur Mortal Kombat ou les films ultras violents comme Saw.
De plus, Hatred est très loin d’être exceptionnel, sans pourtant être mauvais. À vrai dire, il ne lui manque pas grand-chose pour être un bon jeu. Espérons que les Polonais de Destructive Creations reviendront avec une nouvelle mouture, plus longue et mieux foutue. D’ici là, si Hatred vous intéresse, je vous conseille d’attendre une petite remise sur Steam, car si le jeu est à 15 €, il se finira en une demi-douzaine d’heures !
Les +
- Belle direction artistique
- Moteur physique excellent
- Gameplay fluide, nerveux et efficace
- Personnage principal plat, stéréotypé, mais stylé
- Les mods de la communauté qui enrichiront le jeu
Les -
- IA débile et omnisciente, mais parfois brillante
- difficulté en dents de scie
- Mal optimisé
- Faible durée de vie
- Répétitif
- Caméra mal foutue