Dans Joyeux suicide et bonne année, Sophie de Villenoisy égratigne avec un humour désarmant l’amour propre de sa narratrice, une femme de 45 ans paumée et déprimée dont les frasques hilarantes décomplexent à coup sûr (Denoël).
Joyeux Suicide et bonne année ! Sophie de Villenoisy
« Papa est mort au petit matin. […] Me voilà orpheline. Une orpheline de quarante-cinq ans ça ne fait pas vraiment pitié. […] Sauf qu’à quarante-cinq ans, personne ne voudra m’adopter. Je suis périmée. Périmée pour avoir des enfants et périmée pour avoir un homme aussi, on dirait.
Si je devais changer mon statut Facebook, je dirais que désormais je suis la fille de personne. Ni la femme ou la mère de quiconque, d’ailleurs. Je suis juste moi. Mais c’est qui, moi ?
Qui es-tu, Sylvie Chabert ?
Une fille émotive, sans aucun doute. Chez le conseiller funéraire j’ai été en dessous de tout. Je n’ai fait que pleurer, balbutier et éclater des bulles de morve avec mon nez. […] J’ai dû acheter une nouvelle concession pour papa car celle de maman était pleine. Et je lui ai dit :
— Pendant que vous y êtes, mettez-m’en une deuxième, pour moi. »
Décomplexant et jubilatoire
Ne vous laissez pas avoir par la première phrase qui vous rappellera à coup sûr les déconvenues de Meursault : Sylvie, 45 ans, pas de mec, pas d’enfant et plus de parents, n’est étrangère qu’à elle-même. Un job où elle est transparente, une vie sociale quasi-inexistante : nos dimanche pyjama-cheveux gras sont son quotidien, et elle en a marre. Marre de n’être pas mieux, marre de n’être personne. Sur fond de déprime désespérée et d’une armée de complexes, Sylvie, désormais orpheline, fait le bilan.
L’apitoiement larmoyant est très vite dépassé, au profit d’une fibre drolatique que Sophie de Villenoisy emprunte avec brio à son métier de scénariste. Sylvie prend sa décision : à Noël, elle s’enfile la bûche, et elle se suicide. Seule concession : elle prend rendez-vous chez un psy, au cas où. Bonne pioche ! Le médecin impassible lui prescrit une série d’antidotes à son quotidien insipide et morne, et la pousse à s’embarquer dans des aventures désopilantes.
A mourir (de rire)
Si l’on ne devait en dire qu’un mot, ce serait : tordant. Drôle dans toutes les situations, dans la tristesse, dans l’émotion, dans l’excitation et dans la peur, Sylvie est un personnage délicieux, émouvant par ses faiblesses, attachant par son autodérision. Le rire omniprésent désamorce des pensées bien noires, outrepasse la solitude et l’abandon et nous emmène tout droit dans le ridicule, vous ne passez pas par la case départ, vous recevez bien un héritage mais vous n’avez personne avec qui en profiter.
Bridget Jones à la française, la famille foldingue et une obsession pour l’homme parfait en moins, on retrouve en Sylvie chacune de nous dans ses angoisses existentielles, dans ses hontes et ses turpitudes, dans sa diarrhée en plein monop’ ou dans la position du crapaud, à poil sur la table de son esthéticienne. Sophie de Villenoisy n’hésite pas à appeler un chat une chatte, à flinguer l’art africain avec une sincérité désarmante, à parler de tous ces sujets tabous autour du mythe féminin dans la littérature : les poils, les odeurs, les pets, l’envie de baiser, les fantasmes – en bref, tout ce qui fait qu’une femme est femme.
Sophie de Villenoisy signe un roman très réussi : impossible de lâcher cette icône féminine ratée et ses aventures hautes en couleurs qui vous feront l’adorer, et surtout, qui vous pousseront à vous aimer un peu plus. Un livre pour rire (beaucoup), pour s’aimer (un peu plus), pour se décomplexer (à la folie). A offrir à toutes les femmes que vous connaissez : elles s’y reconnaîtront sûrement !
Découvrez ci-dessous le premier chapitre
de Joyeux suicide et bonne année !, de Sophie de Villenoisy