Comme l’a si bien dit Oscar Wilde « ceux qui sont fidèles ne connaissent que le côté trivial de l’amour : l’infidélité en connaît les tragédies. » Ce n’est avec aucun regret que j’ai connu l’une d’entre elles.

En couple avec Baptiste depuis plusieurs années, j’étais éperdument folle amoureuse de lui comme au premier jour, jusqu’à ce qu’un voyage de presse vienne tout remettre en question.

Premier jour de ce fameux voyage de presse, arrivée en avance je patientais sur le quai de la gare avec tous les autres journalistes. On en attendait plus qu’un : Louis. Lorsque je le vis apparaître, je l’ai tout de suite trouvé beau, bien qu’un peu prétentieux. Une fois dans le wagon, il s’est assis en face de moi, et nous avons engagé la conversation. La complicité a été immédiate, à tel point que nos confrères nous ont laissés « roucouler » durant tout le week-end.

Lui comme moi étions en couple depuis plusieurs années, mais il y avait cette alchimie entre nous, comme si nous nous connaissions depuis longtemps. Il me plaisait à tel point que lorsqu’il me fixait dans les yeux, je sentais mon visage s’empourprer, et j’étais mal à l’aise face à l’effet qu’il me faisait. Je le détestais de ne rien faire et d’autant me plaire. Toute la journée, nous nous sommes dévorés des yeux, nous nous sommes rapprochés. Le soir venu, chacun dans sa chambre, nous échangions des messages, puis soudainement, quelqu’un frappa à la porte. C’était lui. Nous avons passé la nuit à nous enivrer l’un de l’autre sans jamais ne parvenir à nous rassasier. Le jour suivant, nous passions notre temps à nous embrasser en cachette et, une fois les visites terminées, nous nous sommes précipités dans ma chambre.

De retour à Paris, chacun aurait dû retourner à sa vie initiale et tirer un trait sur ce week-end. Ça ne s’est pas passé comme ça.

Tous les jours, Louis venait me chercher au bureau pour que l’on déjeune ensemble. Dès que j’avais fini, je le rejoignais chez lui, et on s’abandonnait l’un à l’autre. Nous passions notre temps à jouir de tous les plaisirs qui s’offraient à nous. Nous nous dévoilions l’un à l’autre sur nos passions, nos envies et notre enfance calamiteuse pour l’un, dorée pour l’autre, mais nous ne parlions jamais de nos conjoints. Lorsque j’étais avec lui je n’éprouvais pas une once de culpabilité, c’était tellement bon que je ne me posais de questions. La seule chose que je voulais, c’était que ces rendez-vous clandestins durent toujours.

Mais l’honeymoon fut de courte durée. Lorsqu’il était avec sa petite-amie, Marie, j’avais interdiction de le contacter. Sauf que sans lui, tout s’effeuille. Je ne pouvais pas évacuer cette jalousie, alors je devenais agressive envers Baptiste. Je le prenais en grippe au moindre de ses faux-pas, comme pour lâcher prise. Puis, dès que Louis revenait de sa soirée, nous commencions nos discussions nocturnes et nous nous endormions ensemble par écran interposé.

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Baptiste, voyant que j’étais de plus en plus distante et de moins en moins présente à l’appartement, commençait à se douter de quelque chose. Il surveillait le moindre de mes gestes, me posait mille et une questions sur mes sorties nocturnes. Rapidement, je me suis sentie étouffée, et lui n’en avait jamais assez pour se rassurer. Chaque geste, chaque parole était examinée à l’aune de l’angoisse d’apprendre que je voyais quelqu’un d’autre.

Lorsque l’on aime deux personnes tout en vivant avec l’une d’entre elles, les choses deviennent très compliquées quand on rentre à la maison. L’autre est toujours dans notre tête. Lorsque Louis n’était pas avec moi, tout était vide, mon cœur se serrait quand je rentrais, je n’avais plus envie de rien quand il n’était pas auprès de moi.

Je me retrouvais donc à aimer deux hommes aussi bien physiquement que psychologiquement. Et plus le temps passait, plus je me sentais déchirée entre les deux. Est-il possible d’aimer deux personnes en même temps ? Certains pensent que non, je pense que oui. Les deux dévoilaient deux facettes de ma personnalité. Laquelle voulais-je être ? Je n’en avais aucune idée. J’étais perdue.

Il y avait Baptiste, attentif et attentionné, pas frileux à l’idée de me dévoiler ses sentiments. Quant à Louis, il était plus mystérieux. Celui-ci ne dévoilait pas ses sentiments, ce qui était très frustrant. Je savais qu’il avait peur de souffrir et de s’attacher à quelqu’un à cause d’un événement qu’il avait vécu durant son enfance… L’avenir avec lui me faisait peur parce qu’il était incertain. Pourtant, je ne m’étais jamais sentie aussi vivante que dans ses bras. Il me procurait une force, et une étrange impression de pouvoir tout réussir à ses côtés.

Malgré cela, je ne voulais pas rompre avec Baptiste, peur de faire une erreur, peur de me retrouver seule mais par-dessus tout peur de le perdre, j’étais toujours amoureuse de lui. J’aimais sa manière légère et confiante d’envisager notre avenir que j’avais tant rêvé. Je ne voulais pas tout abandonner pour une passion peut-être qu’éphémère.

Nous devions faire un choix, rompre ou arrêter cette relation si intense. Il m’a prise de court en m’envoyant une longue tirade pour me dire que tout était terminé entre nous, qu’il avait choisi sa copine.

Brisée, j’essayais de me reconstruire avec Baptiste, d’oublier cette relation dont je me persuadais qu’elle ne valait rien, et que j’avais bêtement idéalisée. Quand on vit un coup de foudre, on surestime la personne rencontrée, on la met sur un piédestal, on lui trouve toutes les qualités possibles. Puis, petit à petit, je me persuadais qu’il n’était qu’un pervers narcissique, j’ai essayé d’enterrer la réalité de cette histoire pour en faire naître une autre beaucoup moins idyllique, pour l’oublier. Sans succès.

J’ai lu Les Jolis garçons, une théorie sentimentale dite de la deuxième chance, selon laquelle le destin se chargerait de remettre sur notre chemin le ou la promis(e) qu’on aurait manqué la première fois. Un an plus tard, nous nous sommes retrouvés face à face lors d’une conférence.

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On a réalisé en un regard que notre histoire n’était pas finie, que nous avions besoin l’un de l’autre dans notre vie. Il n’avait plus Marie dans sa vie, mais un travail. Un travail encore plus prenant que le précédent qui ferait qu’on ne pourrait quasiment jamais se voir. Je faisais fi de cela, ce qui m’importait c’était d’être avec lui. J’acceptais son rythme de vie, et lui acceptait à demi-mot que je sois toujours avec Baptiste. Puis plus les semaines passèrent, plus nous souffrions tous les deux. Lui, de ne pas pouvoir m’accorder du temps, et moi, de le voir mettre des barrières entre nous. Pourquoi cet amour qui est si doux d’aspect, une fois mis à l’épreuve, devient si tyrannique et si brutal ?

Il ne voulait jamais dévoiler ses sentiments, et j’étais perdue, je ne savais pas ce qu’il pensait. Je n’arrêtais pas de me demander « Devrais-je tout quitter pour quelqu’un qui est incapable de me dire qu’il m’aime ? » Puis un soir, sentant qu’il allait me perdre, il me confia :

« Ok. On va faire simple. Je t’aime Cécile. J’aimerais te le montrer et te le faire sentir… mais … ni mon quotidien, ni mon emploi du temps ne me donnent l’opportunité de te le dire ni de te le faire vivre. Je sais que tu ne me le demandes pas, mais tant que je ne trouverai pas le temps de t’aimer correctement, je ne le ferais pas. »

J’attendais ces mots depuis si longtemps que j’ai éclaté en sanglots. Cette histoire s’est terminée ainsi. Deux ans plus tard, il n’a jamais eu ce temps qu’il devait nous trouver. Je pense que nous sommes passés juste à côté de quelque chose de bien.

Je suis restée avec Baptiste, au début certainement pour panser la douleur, il se doutait que j’avais commis une erreur mais il ne me l’a jamais dit pour nous préserver. Parfois tu peux convaincre ta tête de ne pas écouter ton cœur. Ce sont souvent ces décisions que tu peux regretter pour le reste de ta vie. Alors je l’ai quitté. Mon cœur appartenait à un autre, et il méritait lui aussi de trouver le véritable amour. Quant à moi, je continue à danser, seule, dans le silence, en espérant secrètement que la musique se remette en marche un jour.

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Modern Love : « Peut-on aimer deux hommes à la fois ?…

par Sabrina Viniger Temps de lecture : 6 min
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