Cette année, j’ai découvert - merci Facebook ! - l’existence du Prix du Roman des Etudiants, organisé conjointement par France Culture et Télérama, et surtout, la possibilité d’y participer en tant que jurée. Ce soir, la remise du prix récompensera le gagnant Olivier Bourdeaut, pour son livre En Attendant Bojangles. Retour sur mon expérience et sur mes livres chouchous, à commencer par celui suscité.
Un prix « parisocentré » et une organisation qui laisse à désirer
Peu d’infos sont visibles sur la page Facebook du Prix, à part une : pour être pris dans le jury, il faut écrire une critique sur le dernier livre lu. Pas de soucis, je venais d’achever le deuxième livre de Kerry Hudson, La couleur de l’eau, que j’avais presque autant aimé que le premier ; j’ai donc écrit ma critique et l’ai envoyé à temps pour la deadline annoncée, le 31 décembre. Mais, surprise, cette dead-line a été repoussée trois fois, pour finalement être définitivement fixée au 15 janvier.
Peu de temps après le mail confirmant ma participation, les 10 livres du prix sont dévoilés. Nouvelle surprise alors : ces 10 livres, il faudra les finir pour le 7 mars, jour annoncé des votes (lui aussi sera repoussé au lendemain finalement). En comptant l’attente pour que les ouvrages arrivent et soient donc disponibles dans la librairie partenaire de la ville, ça nous fait à peine un peu plus d’un mois pour achever nos lectures. Pour un jury composé d’étudiants ayant des cours et du travail personnel à faire (et une vie, accessoirement), autant vous dire que ça fait short !
L’autre déception est que le prix est très centré sur les parisiens. A Nancy, aucune rencontre avec les auteurs n’a été organisée, les libraires ayant, selon leurs confidences, été très mal informés et pris de court. Une poignée d’événements a eu lieu dans des grandes villes de France comme Bordeaux, Toulouse ou Lyon.
Vient aussi cette soirée de remise de prix, à laquelle je n’irai pas. Pourquoi ? Parce qu’elle est fixée un jour de semaine, ce qui rend compliqué pour la provinciale que je suis de m’y rendre. Et surtout, parce qu’aucun défraiement pour le transport n’a été proposé. Une fois encore, les extra-muros sont sur la touche.
De vraies découvertes littéraires
Concernant la sélection du Prix du Roman des étudiants, je n’ai en revanche pas été déçue. Si j’ai évidemment moins aimé certains pour des raisons diverses (le style, parfois particulier chez certains auteurs), il n’y en a aucun pour lequel je me suis demandée ce qu’il venait faire là. Et surtout, j’ai connu de vraies ouvertures littéraires : ce prix m’a permis de découvrir des genres vers lesquels je ne me serais jamais tournée de moi-même, notamment la biographie romancée ou l’autobiographie.
En attendant Bojangles, Olivier Bourdeaut
Le gagnant, En Attendant Bojangles d’Olivier Bourdeaut, est mon grand coup de cœur de ce prix (et de cette année), et je ne peux qu’approuver les résultats du Prix (qui ont d’ailleurs été assez unanimes d’après les organisateurs). Je n’aurai pas les mots pour vous expliquer l’émotion qu’il m’a procuré, mais il a fait partie de ces livres que j’ai serré contre moi après la dernière page, dans un état à la fois extatique pour la beauté qu’il contient et mélancolique parce qu’il est fini. Il me rappelle mon chouchou Boris Vian. En Attendant Bojangles est tout ce que j’aime : bien écrit, beau, drôle, poétique, loufoque et même fou, rempli exclusivement de personnages hauts en couleurs comme leur grue de compagnie Madame superfétatoire et surtout comme la Maman, personnage aux prénoms multiples autour de laquelle gravite tout le monde et surtout les deux narrateurs, son mari et son fils. Un feu d’artifice en terme d’émotions.
D’Après une histoire vraie, Delphine de Vigan
Outre cet amour fou, j’ai envie de vous parler également du livre D’après une histoire vraie, de Delphine de Vigan, qui constitue un véritable tour de force vous laissant pantois. L’auteur nous raconte ici sa relation avec L., une jeune femme qui, petit à petit, construit une véritable emprise sur l’écrivain. Difficile de vous en dire plus sans gâcher l’ambiance qu’il sème parce que c’est bien ça le plus beau, c’est que la performance littéraire, loin de ne tenir qu’au dénouement, est présente durant tout le cheminement. Cet état d’esprit que crée en nous le livre, ce sentiment d’oppression devenant de plus en plus diffus, presque tétanisant, et qui nous pousse à ne pas s’arrêter avant la dernière page.
La Cache, Christophe Boltanski
Troisième favori : La Cache, de Christophe Boltanski. Ici, on est typiquement dans le style que je pensais ne pas aimer, la biographie de la très célèbre famille Boltanski, remise dans un contexte historique. Le journaliste construit son premier « roman » autour du plan de la demeure familiale, auquel il ajoute à chaque nouveau chapitre une pièce supplémentaire. S’il compare cela à un plateau de Cluedo, je l’ai plutôt associé à un puzzle dont il rassemble les pièces. Cela donne une construction qui n’est ni linéaire ni chronologique (et c’est très bien comme ça !), où il est beaucoup question des origines juives du grand-père et de leurs conséquences durant la guerre, mais pas seulement : on y parle tout aussi bien de l’enfance étrange de « Mère-grand » et de son attitude aussi aimante que frisant la folie de matriarche possessive, ou encore du père et des oncles et tantes de l’auteur. Une vraie démarche émouvante, que l’auteur a su nous faire partager.
En définitive, même si l’organisation du prix est assez sporadique et que je me suis sentie totalement lâchée tout le temps qu’il a duré, je ne regrette pas ma participation qui m’a permis de lire 10 nouveaux livres gratuitement, de découvrir d’autres styles littéraires que mes habituels, et, bonus sympathique, de garder certains ouvrages (on se partage les livres à la fin du prix entre les jurés de la ville). Si vous êtes féru(e) de lectures et que cela vous tente, abonnez-vous à la page Facebook et soyez attentifs décembre prochain, il n’est pas très difficile d’être sélectionné(e) !
Camille Zimmermann