Tess Holliday, Tara Lynn, Ashley Graham : trois mannequins grande taille à succès, qui se battent pour valoriser la beauté de toutes les femmes, et se veulent porte-parole des femmes rondes qui auraient du mal à aimer leur corps. Voici un article de réflexion sur la beauté et les rondeurs, qui ne sont pas incompatibles.
Note: Le but de cet article n’est pas de dire que « les femmes rondes sont les plus belles », les critères de beauté de chacun étant subjectifs. Il s’agit surtout de mettre en lumière les travers de notre société où, dans le domaine de la beauté, sévit, selon moi, de multiples problèmes souvent associés au « gros » et aux rondeurs.
► Tess Holliday, le pied de nez aux codifications habituelles des mags
En mai dernier, le célèbre magazine américain People faisait sensation en mettant en couverture celle qui est présentée comme « le plus grand mannequin grande taille »: Ryan Hover, appellée Tess Holliday, 29 ans, affichant fièrement une taille 54. La couverture fait écho au dossier spécial des « plus beaux corps de Hollywood ». Un pas de plus vers une volonté de mieux représenter ces femmes rondes ou plantureuses, dans notre société où règne un certain culte de la minceur.
La jeune femme détonne, et pour cause. La miss est très ronde, pour ne pas dire grosse : des bras dodus, un ventre large et rond et de bonnes joues, elle se démarque des mannequins grande taille standardisés aux corps souvent similaires : des hanches larges, un ventre presque plat et des cuisses lissées.
La couverture de People montre ici une volonté relative de mieux représenter ces femmes dites rondes, dans une société où la beauté est codifiée et où le rêve d’atteindre le perfect body persiste.
Si la presse féminine est encore réticente à l’idée de représenter ces femmes rondes en couv’ de magazine, Internet propose aujourd’hui un large champ d’expression permettant la venue de nombreux mouvements de femmes incitant leurs consoeurs à célébrer la beauté de leurs corps, aux rondeurs plus ou moins visibles.
► De la définition de la rondeur
Si être ronde, c’est avoir une paire de fesses et de seins bien rebondie, des hanches larges et un ventre quasi plat, alors Kim Kardashian ou Beyonce en font partie. Si par contre, ces mêmes fesses, ces boobs et ce ventre se font plus proéminents et plus en rondeurs, comme Beth Ditto ou Adele, avons-nous toujours la même définition ?
Le problème ici renvoie à cette définition de l’adjectif « rond-e »: Tara Lynn, mannequin grande taille est pour moi une femme ronde, mais sera perçue comme grosse par certains. Etre ronde s’arrêterait ainsi à certains standards esthétiques renvoyant à un idéal de beauté : pourquoi Adele ne pourrait-elle pas être qualifiée de ronde au même titre que Amber Rose ?
Le comble, c’est quand même quand on apprend que certains mannequins grande taille sont obligés de porter des prothèses pour accentuer leurs courbes : entre standards et stéréotypes, les codifications de la beauté et de la mode restent bien présents.
► Gros : un mot qui fait peur
« La réalité, c’est que je suis grosse. C’est un mot. C’est un adjectif. Et je m’en fiche. »
Tess Holliday
Le mot Ronde serait-il le moyen déguisé et stylisé de masquer celui de « gros » ? Souvent renvoyé à sa connotation négative et des stéréotypes qui en découlent (disproportionné, mou, gras, lâche etc.), nombreuses sont les personnes qui refusent d’être qualifiées ainsi.
Quand on ouvre les magazines ou analysons les articles « spécial grande taille », il n’est pas rare de voir que les mannequins représentés ont des corps similaires, comme dit plus haut. En effet, de la même manière que leurs consoeurs minces voire maigres, les mannequins grande taille doivent respecter de nombreuses mensurations et bien évidemment avoir un certain charme. Ces mêmes magazines proposent des articles spéciaux consacrés à la « mode ronde: comment s’habiller si on dépasse le 42 ? Que porter pour masquer ces rondeurs ? » et j’en passe.
Le problème principal, selon moi, est la notion d’assumer : pourquoi un mannequin grande taille devrait-il « assumer son corps » ? à la différence d’un mannequin mince ou maigre ? Nous avons le corps que nous avons, il appartient seulement à chacun de le mettre en valeur, peu importe la taille.
► Féminité, rondeurs et diktats : un trio lié ?
Je pose ici la question des mannequins hommes grande taille. On peut s’extasier, ou non de voir qu’une femme taille 54 fasse la couverture d’un magazine populaire. Qu’en est-il du côté des hommes ? Je ne pense pas qu’une couverture similaire avec un mannequin homme aurait eu le même succès. Selon moi, cela s’explique par une question de politique : les hommes n’étant pas confrontés aux mêmes stéréotypes dont sont victimes les femmes et inégaux face au poids.
Force est de constater que les campagnes de valorisation du corps touchent bien plus souvent les femmes que les hommes. A l’heure où certaines se battent pour davantage d’égalité, les stéréotypes et concepts positfs (ou non) liés aux rondeurs pourraient accentuer le fait que les femmes soient avant tout jugées physiquement, malgré le message positif recherché au premier abord.
► #Fatkini et autres joyeustés
A l’appoche de l’été, nulle doute que les hashtag #fatkini et #SimplyBekini seront de retour sur Instagram et Twitter. Fatkini, contraction de fat (gros) et de bikini, désigne les coupes de maillot de bain spécialement étudiés pour les femmes plantureuses et fortes. Les marques Monif C et Swimsuitforall sont les premières à avoir proposé des produits de ce type : un énorme succès outre-atlantique, malgré le prix parfois exhorbitant de ces maillots (pouvant atteindre 100 $ !) Les détracteurs, eux, critiqueront le nom : le fatkini, c’est un maillot pour grosses : on le range ainsi dans une catégorie liée au corps plutôt qu’à l’esthétique, à la différence des trikinis, monokini ou autres burkinis …
SimplyBekini est le hastag lancé par Tess Holliday pour encourager les femmes rondes à porter un bikini à la plage, tendant à montrer que chaque corps peut porter un maillot de ce type et à faire prendre davantage confiance en soi.
► Quand la beauté passe d’abord par l’acceptation de soi
Il existe des gens dits laids et minces, laids et gros, beaux et minces, beaux et gros, car oui, les rond(es) peuvent plaire. La vision de chacun est subjective. Sur le Net, à coups de hashtag, et de campagnes, nombreux sont les projets visant à mieux apprécier le regard que l’on porte sur soi-même, à l’instar du hashtag #Effyourbodystandards : une invitation de Tess Holiiday pour ceux et celles qui tiennent à montrer leur corps et à le mettre en avant. Plus qu’une campagne virale, c’est une véritable volonté pour ces femmes d’être des modèles pour des anonymes comme vous et moi à faire la paix avec notre corps.
On n’aime pas ses bras ? On les muscle. On veut un ventre plus ferme ? Les abdos. Et pour des fesses en béton, rien de mieux que les squats.. Etre ronde, c’est aussi avoir un corps healthy et en bonne santé, tant que l’on en prend soin.
« La confiance en soi et en son corps,
ce n’est pas essayer d’ obtenir le corps parfait,
mais aimer celui que tu as déjà. »