On se souvient tous de cet épisode de Nip/Tuck (saison 3 épisode 7, coucou la fan) où, pour retendre sa peau, Julia utilise une crème à base de sperme : le mythe des bienfaits de l’essence masculine est (très) bien installé. Avalée ou appliquée sur la peau, la semence ferait des miracles. On lui prête des vertus médicales, on nous dit qu’il rend heureux … On nous ferait presque avaler n’importe quoi. Au point de l’intox ? Décryptage.

Plus c’est gros, plus ça passe

On reprend les bases : étymologiquement, sperme vient du latin sperma (voilà à quoi ont servi huit ans de latin). Biologiquement, c’est l’eau de source de futurs petits bébés : il contient des tonnes de petits spermatozoïdes prêts à s’engager dans la course de leur vie, bien souvent gâchés au fond d’un mouchoir (ou d’une chaussette, ou de vos draps, ou assassinés par le contraceptif de Madame, ou ingérés, BREF, inusités). Ce mignon petit têtard très compétitif n’a qu’une seule fonction : trouver l’ovule et le féconder. C’est déjà pas mal (vu mon sens de l’orientation, si j’étais un de ces petits trucs, je serais morte 18 fois avant de trouver l’ovule (ils n’ont pas la géolocalisation, c’est un peu archaïque, l’intérieur d’un homme, ne jugeons pas)).

C’est pas compliqué : Top départ, prêt, les petits poissons partent à la pêche, point. Sauf que… les ingérer ferait maigrir (à peu près autant que qu’une pilule magique selon mon expérience), les étaler sur notre peau nous donnerait un teint éclatant et un lifting naturel (aurait-on percé le secret des actrices porno ?), et le pompon : avaler la liqueur séminale de Monsieur préviendrait du cancer du sein. Plus c’est gros, plus ça passe ?

Détox #1 Le sperme : la liqueur du bonheur ?

Cette brillante analyse nous vient tout droit de l’Université de New York : une étude publiée dans Archives of Sexual Behaviour Journal explique que les femmes qui ont des rapports sexuels sans préservatif seraient à 87 p.cent moins déprimées que celles qui se protègent – là, c’est plausible, on est d’accord. Le hic se trouve dans la raison : ce serait grâce au sperme qui contiendrait des hormones qui jouent positivement sur l’humeur. Mais bien sûr.

Le problème, c’est que beaucoup d’éléments ne sont pas pris en compte dans l’étude, comme les incontournables : la prise de pilule aide certaines femmes à se lâcher dans les bras de leur partenaire particulier, le fait d’être en couple ou non joue sur le bien-être, ou l’orgasme, si on ne devait en citer qu’un, qui libère la protéine du bonheur. Pas grand chose à voir avec le sperme, donc.

Détox #2 Le sperme : meilleur anti-âge que les crèmes l’Oréal ?

En 2009, deux scientifiques autrichiens mènent des recherches sur la spermidine, présente dans le la royale semence mais aussi dans le pamplemousse ou le soja, qui auraient un effet positif dans la lutte contre le vieillissement des cellules. Les chercheurs précisent que cet effet positif a été observé sur des mouches, pas sur des humains. La légende était lancée.

Des articles vantant les bienfaits de la divine gelée sont nés, et des crèmes contenant de la spermidine auraient soi-disant vu le jour. Impossible de les trouver à la vente. Elles seraient, paraît-il, disponibles dans des spas très chics aux Etats-Unis. Problème : tout ce qui est issu des hommes ou des animaux est impossible à trouver dans le monde de la cosméto depuis la crise de la vache folle.

En attendant, fin 2015, la Youtubeuse beauté Tracy Kiss, proposait dans une vidéo un tuto pour réaliser son propre masque de beauté… au sperme. Un rituel beauté douteux : aucune étude n’a jamais confirmé les bienfaits du liquide séminal, et le sperme, hors du corps humain, moisit rapidement. Des germes peuvent alors se profiler. Et on voudrait appliquer ça sur notre visage ?

Détox #3 Le sperme : plus efficace que Weight Watchers ?

Le sperme, c’est la caverne d’Ali Baba ! « Les femmes qui avalent maigriraient deux fois plus vite que les autres car le sperme contient une molécule, l’alcaline, propice à l’amaigrissement. » Voilà ce qu’on pouvait lire dans une étude… fictive. Ingrid Fleischer de l’Université d’Hamburg n’existe pas, son étude édifiante sur les propriétés merveilleuses du sperme non plus. Et tant qu’on y est, l’alcaline ? Totalement inventée. Ce qui existe, en revanche, ce sont les aliments alcalins (pauvres en substances acides), qui sont bons pour le sommeil, qui ont des vertus amincissantes, qui aident à être heureux, etc. Le sperme en contient un tout petit petit peu. Il contient aussi du glucose, mais ça ne veut pas dire qu’il a le goût du sucre (dommage).

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Détox #4 Le sperme : anti-cancérigène ?

La prescription du docteur, c’est deux fellations par semaine, et deux ou trois bonnes gorgées de cette délicate purée. Pour un résultat optimal, vous pouvez augmenter la dose ad libitum et prévenir ainsi le cancer du sein. Une supercherie montée par un étudiant en mal d’amour et démontée par le corps médical.

Avec tant de bienfaits, non seulement je me drogue matin, midi et soir au sperme de mon mec, mais puisqu’il me sert si bien la soupe, je l’oblige à en prendre aussi. Ce serait dommage que je sois la seule de nous deux à être mince, à avoir un teint de pêche, une peau jeune, être heureuse et en sus protégée du cancer, non ? Non.

Pourquoi veut-on nous faire avaler tout ça ?

Selon Nathalie Giraud, sexothérapeute qui a notamment œuvré avec TEDX, toutes ces études axées sur l’éjaculat masculin sont à rapprocher de l’explosion de la culture porno.

Prétendre que le sperme est bon pour la peau pour encourager la pratique de l’éjaculation faciale, vanter les vertus curatives et anti-cancérigènes d’une petite pluie de jouvence pour inciter à la fellation : ok, on n’est pas naïves, mais toutes ces fausses études qui nous inondent de conneries ne démocratiseraient-elles pas une « Génération YouPorn » élevée aux éjacs faciales et au spectacle massif du sexe, par opposition à l’acte intime ? Selon une étude de l’Ifop réalisée en 2013, 42 p.cent des 16-24 ans ont goûté au moins une fois à la rosée du vis, et 24 p.cent se sont déjà délicatement tartiné la face de foutre. Une génération à la fois cible et auteur de ces légendes urbaines.

Toutes les études citées précédemment ont été lancées par des hommes – je vous vois venir à 300km et je vous arrête tout de suite. Loin de moi l’idée de vous jeter la première goutte : la seule des études pré-citées dirigée par une femme est une étude qui n’existe pas. Suis-je parano, ou bien êtes-vous obsédés par votre céleste fontaine ? On ne sait pas. Ce qu’on sait, c’est que ces objets d’études reprennent des topos classiques de la culture porno que beaucoup croient une réalité sexuelle.

Des mecs en manque de frissons, d’accord, mais de là à inventer des propriétés anti-cancérigènes ? Le cancer est une maladie grave, les gars. On se reprend. Si vous vous sentez seuls, il existe des vaginettes.

Un petit Mojito au sperme ?

Il n’est ni magique, ni toxique. Mais on est quand même obligées d’admettre qu’il est bon pour la santé. Il est fait en grande partie d’eau, le reste de sa composition inclut des nutriments essentiels au corps humain. L’éjaculat d’un homme contient seulement 1 p.cent de spermatozoïdes. Le reste est composé de diverses protéines, vitamines, sucres, sels, de cholestérol et d’eau, des carburants utiles aux spermatozoïdes pour leur looong chemin. Mais ces données sont à relativiser : une éjaculation contient 2 à 6ml, alors de là à croire que c’est du Red Bull, faut pas déconner.

Et nous alors ? Nathalie Giraud nous rappelle que dans le Kâma-Sûtra, on ne parle pas de sperme. Cependant, on y invoque la liqueur féminine, livrant des conseils pour se régaler de l’éjaculation des femmes. Malheureusement, en 2016, la cyprine n’a pas encore sa part d’études et de vertus, et ne semble pas non plus provoquer beaucoup de réactions. Dommage ! On aimerait tant démontrer que ses vertus incitent au cunnilingus. A quand la cyprine magique qui guérit la calvitie ? En attendant, vous pourrez goûter un délicieux… Mojito au sperme.

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Vertus du sperme : ce qu’on voudrait nous faire avaler

par Nina Cunni Temps de lecture : 6 min
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