À moins d’avoir décidé de tout quitter tel Christopher McCandless, vous n’avez sans doute pas pu passer à côté de la polémique autour du projet de Loi Travail. En revanche, vous n’avez peut être pas saisi tous les enjeux et ne vous estimez pas en mesure de vous prononcer ? Sur son site, le gouvernement explique que “le projet de loi de réforme du travail a pour objectifs de protéger les salariés, favoriser l’embauche, et donner plus de marges de manœuvre à la négociation en entreprise”. L’Étudiant Autonome a donc décidé de tout vous expliquer sur cette réforme du Droit du travail qui doit être présentée en Conseil des Ministres le 9 mars prochain.

Assouplissement du temps de travail

Le temps de travail maximal pendant une journée pourra être porté de 10 à 12 heures « en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise ». De la même façon, la durée de travail maximale pendant une semaine est fixée à 48 heures mais peut être exceptionnellement élevée à 60 heures en cas de “circonstances exceptionnelles et pour la durée de celles-ci”.

En ce qui concerne les entreprises de moins de cinquante personnes, elles pourront, sans avoir recours à un accord collectif, proposer à leurs salariés d’être plus flexibles en passant au forfait jour (= rémunération sur la base d’un nombre de jours travaillés).

À titre exceptionnel ou lorsque des raisons objectives le justifient”, les apprentis de moins de 18 ans pourront “effectuer une durée de travail quotidienne supérieure à 8 heures, sans que cette durée puisse excéder 10 heures” et “effectuer une durée hebdomadaire de travail supérieure à 35 heures, sans que cette durée puisse excéder 40 heures”. En pratique, l’employeur n’aura pas besoin de demander l’autorisation auprès de l’inspecteur et du médecin du travail mais devra simplement les en informer.

Taux de majoration des heures supplémentaires

Le Code du travail stipule que toute heure de travail accomplie, à la demande de l’employeur, au-delà de la durée légale de 35 heures constitue une heure supplémentaire qui “ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur”. Actuellement, les heures supplémentaires sont rémunérées 25% de plus pour les huit premières heures et 50% au-delà. Avec ce projet de loi, la direction d’une entreprise pourra fixer par accord, le taux de majoration à 10% même si sa branche professionnelle prévoit des majorations plus importantes (ex : la métallurgie). Selon le gouvernement, “cela permettra aux entreprises d’adapter le taux de majoration en fonction de la situation économique ou de la taille de l’entreprise, qui peuvent être différentes au sein d’une même branche”.

Encadrement des licenciements

Le projet de loi précise les motifs qui peuvent être invoqués pour prononcer des licenciements économiques : “une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pendant plusieurs trimestres consécutifs”, les “pertes d’exploitation pendant plusieurs mois”, une “importante dégradation de la trésorerie”, les “mutations technologiques” ou une “réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité”.

Jusqu’à présent, en cas de licenciement abusif, le montant de l’indemnité prud’homale tient compte de la situation de la victime (âge, situation familiale, handicap, etc.). Demain, elle sera calculée à partir d’un barème fondé exclusivement sur l’ancienneté et ne pourra excéder quinze mois de salaire.

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Une visite d’information et de prévention

Jusqu’ici, la loi prévoyait que chaque salarié bénéficie d’un examen médical avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai par le médecin du travail. La loi El Khomri remplace cette disposition par “une visite d’information et de prévention effectuée après l’embauche par l’un des professionnels de santé”. La visite ne sera donc plus automatiquement réalisée par un médecin et le délai est remis aux mains du Conseil d’État (et n’est donc plus garanti dans la loi).

Accords d’entreprise : Refus du changement = Licenciement

Aujourd’hui, les accords d’entreprise conclus avec les représentants du personnel ont pour but de moduler, en cas de difficultés conjoncturelles, le temps de travail et la rémunération des salariés pour une durée de cinq ans maximum. Ils pourront désormais s’étendre à d’autres objectifs. Mais la grande nouveauté est que si un salarié refuse de voir son contrat de travail modifié suite à un accord, il pourra être licencié pour “cause réelle et sérieuse”

Congé en cas de décès d’un proche

Avec le projet de loi El Khomri, le principe du congé en cas de décès d’un proche est préservé mais la durée minimum n’est pas fixée par la loi. C’est dans les accords d’entreprise ou de branche que la durée sera définie.

Après avoir lu l’ensemble de ces propositions, vous vous êtes sans doute déjà fait un avis sur la question. Mais alors, de quel camp ferez-vous vraiment parti ?

Un tournant libéral

“Vous faîtes une loi exceptionnelle pour nous”

Laurent Abitbol, patron du groupe Marietton Developpement (ex Havas Voyages)

Forcément, quand nous entendons que le patronat se frotte les mains de cette réforme, nous commençons sérieusement à nous poser des questions. Mais au fait, pourquoi sont-ils aussi satisfaits ? Et bien tout simplement parce que la Loi Travail puise son inspiration directement de propositions du Medef et de la droite ! Le 19 février dernier, un article du Monde nous apportait les preuves suivantes :

    • L’accord d’entreprise supérieur à l’accord de branche est un souhait du Medef depuis 2012 et a fait l’objet d’une proposition de loi des Républicains en 2014.
    • Des accords plus “souples” et “offensifs” déjà dans le programme de Nicolas Sarkozy en 2012.
    • L’assouplissement des conditions horaires est une idée proche “des accords compétitivité emploi” de la droite.
    • La proposition concernant les indemnités de licenciement est identique à celle du Livre jaune de Pierre Gattaz.

 

Ce revirement de politique ne semble pas satisfaire l’opinion publique puisqu’un sondage Elabe a révélé que 70% des Français considèrent que cette loi constitue une menace pour les droits des salariés. La sphère politique ne semble pas non plus être unanime quant à ce projet de loi à en juger par la montée au créneau de ténors de gauche tels que Martine Aubry ou Daniel Cohn Bendit dans une tribune parue le 24 février dans Le Monde. Alors si vous aussi vous êtes contre ce projet de loi, faîtes le savoir en signant la pétition lancée par Caroline De Haas et rendez-vous dans la rue le 9 mars prochain !

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Loi Travail : un coup de com’ raté

Au delà de l’aspect idéologique, il faut dire que la communication autour du projet de loi a été catastrophique. L’information a commencé à tourner dans les médias le 17 février et c’est seulement cinq jours après que les journalistes ont reçu un texte du cabinet de Myriam El Khomri. Seulement, il était déjà trop tard car l’absence de communication a provoqué d’énormes dégâts dans l’opinion. Comment expliquer ce phénomène ? Tout simplement parce que nous sommes dans une ère 2.0 où l’on ne peut pas se permettre de ne pas communiquer sur des sujets aussi sensibles. Sinon, l’opinion publique se perd dans une frénésie qu’il sera difficile de contrôler ensuite.

Face à la polémique grandissante, le gouvernement a décidé de sortir de sa torpeur jeudi à 16h05 en publiant le premier tweet du tout nouveau compte @LoiTravail :

Si l’idée peut paraître moderne, il semblerait que ce type de communication ne soit pas adaptée au sujet. Face au ton enfantin employé, nous pourrions facilement croire dans un premier temps à un compte créé pour nuire à l’image du gouvernement. Seulement voilà, il n’y a qu’à relever un peu les yeux pour voir que le compte est certifié par Twitter et donc authentique…

#OnVautMieuxQueCa : le mouvement de la jeunesse

Dans une vidéo mise en ligne mercredi, des Youtubers en colère contre le gouvernement ont lancé le hashtag pour “remettre les citoyens au centre du projet politique”. Dénonçant tour à tour les conditions de travail en France, les internautes ont réussi à se hisser momentanément dans le top tweet. Pour participer, rien de plus simple : il vous suffit de publier votre contribution, texte, vidéo sous le mot-clé #OnVautMieuxQueCa.

“Youtubeurs/Youtubeuses, vidéastes, blogueurs/blogueuses, face au projet abject et absurde de réforme du code du travail, nous pensons qu’il est temps de ne plus rester dans notre coin. Nous avons décidé de nous retrouver, d’en parler et de vous proposer de nous rejoindre pour montrer à ceux qui prétendent nous gouverner que, nous tous, #OnVautMieuxQueCa.”

Aude Norguin

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