Mercy Mary Patty est un roman subtil, raisonnant et déstructuré, dans lequel Lola Lafon interroge avec intelligence le lien entre interprétation, réalité et image à travers le prisme de l’affaire Patricia Hearst. Un roman passionnant tout au long duquel on attend le point de chavirement mais qui, une fois encore, vaut bien plus par son voyage que pour sa destination. En librairie depuis le 16 août 2017.
Mercy Mary Patty, de Lola Lafon (Actes Sud)
En février 1974, Patricia Hearst, petite-fille du célèbre magnat de la presse William Randolph Hearst, est enlevée contre rançon par un groupuscule révolutionnaire dont elle ne tarde pas à épouser la cause, à la stupéfaction générale de l’establishment qui s’empresse de conclure au lavage de cerveau.
Professeure invitée pour un an dans une petite ville des Landes, l’Américaine Gene Neveva se voit chargée de rédiger un rapport pour l’avocat de Patricia Hearst, dont le procès doit bientôt s’ouvrir à San Francisco. Un volumineux dossier sur l’affaire a été confié à Gene. Pour le dépouiller, elle s’assure la collaboration d’une étudiante, la timide Violaine, qui a exactement le même âge que l’accusée et pressent que Patricia n’est pas vraiment la victime manipulée que décrivent ses avocats…
Avec ce roman incandescent sur la rencontre décisive de trois femmes “kidnappées” par la résonance d’un événement mémorable, Lola Lafon s’empare d’une icône paradoxale de la “story” américaine pour tenter de saisir ce point de chavirement où l’on tourne le dos à ses origines. Servi par une écriture incisive, Mercy Mary Patty s’attache à l’instant du choix radical et aux procès au parfum d’exorcisme qu’on fait subir à celles qui désertent la route pour la rocaille.
« Mieux la valait morte que convertie »
« Les portes, en 1974, on les claque au nez des agents. Personne ne veut aimer la police. Aujourd’hui, on la retrouverait par le biais d’une émission de télé-réalité invitant les téléspectateurs à mener l’enquête eux-mêmes. »
C’est une des bonnes surprises de la rentrée littéraire : le nouveau roman de Lola Lafon ne déçoit pas. En inscrivant ses deux personnages, Gene et Violaine, sur les traces de la volcanique et controversée Patricia Hearst, Lola Lafon interroge l’Histoire, la conscience et l’expression du tissus relationnel sans jamais tomber dans le travers politique. Un exercice de contorsionniste merveilleusement servi par une plume incisive, marque de fabrique de l’auteure, et sa narration déstructurée qui bouleverse les codes romanesques.
Dans ce trio truculent, Lola Lafon réécrit l’Histoire en prenant le parti de faire de Patricia Hearst autre chose qu’une victime. Loin de la cantonner à un syndrome de Stockholm ultra-violent ou à un lavage de cerveau spectaculaire, elle lui redonne le pouvoir en lui attribuant sa propre émancipation. Un sillage que suivront les deux autres personnages féminins, quoique moins brutal, mais tout autant affranchissant, pour se défaire du carcan consciencieux que cette société si blanche et si faussement égalitaire leur impose.
« L’histoire de Patricia Hearst est aussi celle-là, celle d’une jeune fille qui se débat, prise en tenaille entre des hommes qui en réclamaient tous la propriété, le révolutionnaire Cinque, son fiancé comme son père. »
Découvrez les premières pages du roman
Mercy Mary Patty de Lola Lafon
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