Hier soir, toute l’équipe des Éditions du Samovar était réunie à la Maison de la Poésie à Paris pour présenter son petit bijou au terme de six mois de travail acharné. Recueil de 12 très jolies nouvelles, À l’heure de Moscou nous emmène jusqu’à Vladivostok – mais comme souvent, ce n’est pas la destination qui compte, c’est le voyage. Embarquement immédiat.

Voyage à l’heure de Moscou

Le Transsibérien, quelques 10 000 km au cœur de la Russie, et Dimitri, contrôleur du train et fil rouge de l’enchaînement de récits. À l’heure de Moscou est un recueil de douze textes à la fois différents et similaires, qui ne s’inscrivent dans aucune continuité, mais qui s’enchaînent à la perfection … Comme les wagons du train, peut-être.

L’image du train à elle seule suscite une fantasmagorie puissante qui irradie l’imaginaire des auteurs et des lecteurs et, à travers ces douze nouvelles, nous suivons les pérégrinations des passagers au fil des wagons, comme si nous remontions le train nous-même.

À tous les coups, notre route croise celle de Dimitri. Dégingandé, serviable, parfois même servile, toujours précédé de son immanquable odeur de bergamote qui inonde les couloirs et les compartiments, le personnage du contrôleur se plie autant aux caprices de ses auteurs qu’à ceux de ses passagers. Tantôt dangereux, tantôt d’une aide précieuse, parfois envahissant, parfois affectueux, Dimitri revêt douze facettes pourtant jamais incompatibles tout au long de ce voyage.


Les gares du Samovar

Premier arrêt : « Le Bienveillant ». Sans doute le plus doux des douze textes narré au rythme de voyages temporels, il nous immerge d’entrée dans le folklore russe du Transsibérien. Coincé entre un présent épisodique et un passé prédominant, l’atmosphère de l’ancien se conjugue parfaitement à la vétusté traditionnellement associée à cet espace scénique. Un texte qui reprend les épisodes désordonnés de la saga d’une vie d’amour et d’impossibilités avec une grande délicatesse et beaucoup de charme : « Le Bienveillant » donne le la.

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L’enchaînement, en revanche, dépote : « L’Insomniaque » déverse son éprouvante mais virtuose logorrhée le long des pages sobrement illustrées, d’une mauvaise fois obscène, mais d’un verbiage habile qui sert davantage encore le suspense tissé à mesure que l’agacement du personnage nous est déroulé. C’est là le premier revirement de Dimitri : bienveillant puis inquiétant, la nature personnage mute mais son image perdure, le transformant ainsi en une espèce de caméléon littéraire qui change de couleur à chaque nouveau passager.

La surprise est au rendez-vous à chaque nouveau texte où Dimitri s’affranchit de ce qu’on lui connaît … Sans pourtant nous perdre. En cause, l’allégorie récurrente du samovar, présente, comme le contrôleur, à chaque wagon et à chaque nouvelle, dans une pléthore que tonalités et de registres. De l’humour au suspense en passant par la morale, À l’heure de Moscou nous emmène dans tous les recoins du style, et on aime ça.

Jouer avec les codes

Si tous les codes de l’imaginaire russe réunis pourraient nous plonger dans une atmosphère fossilisante, les textes s’affranchissent justement de cette idée vieillissante de la culture moscovite en y insufflant des éléments d’une actualité surprenante, à l’image de « L’Arriviste » qui allie le samovar, objet inusité, à Facebook, sans jamais tomber dans un anachronisme malvenu.

Entre Folklore russe désuet et une modernité qui s’instille dans les recoins de l’ouvrage, élégant mais contemporain, A l’heure de Moscou surprend par son adresse et séduit par sa qualité littéraire indéniable. Mieux : la temporalité brouillée in vitro s’exporte hors du livre, dans une application qui met en scène le lecteur, premier acteur dans l’enquête de la disparition de Dimitri, ainsi que sur la version web du voyage qui nous emmène dans chaque gare sous la forme d’une carte cliquable. Un livre qui conjugue passé et présent tout en s’inscrivant dans l’air du temps, en somme.

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