À l’occasion de la sortie de son documentaire Jodorowsky’s Dune, le réalisateur Frank Pavich était de passage à Paris, où L’Étudiant Autonome a pu lui poser quelques questions.
Pourquoi avoir consacré un documentaire au Dune de Jodorowsky ?
Parce que c’est une histoire géniale ! (rires). Lorsque l’on est fan des films d’Alejandro et que l’on apprend qu’il y a un « film perdu », qui a été réalisé 10 plus tard par David Lynch, on découvre alors une histoire fascinante. Puis on commence à découvrir tous les gens qui l’entouraient, Moebius, Digard, Orson Wells, Dali, ou encore les Pink Floyd. On a la tête sur le point d’exploser tellement cela semble être l’histoire la plus folle de tous les temps !
C’était une histoire incroyable, et moi même je voulais en savoir plus, car il n’y avait pas trop d’informations sur le sujet, donc j’ai décidé d’en faire un film.
Quand et comment avez vous appris cette histoire ?
En 2009 je dirai. Je feuilletais un livre du type « 50 supers films qui n’ont jamais été faits », et il y avait 2 pages sur Dune dedans. Dès 2010 j’ai contacté Alejandro et on tournait en 2011, c’est allé très vite !
C’était difficile de convaincre Alejandro Jodorowsky et Michel Seydoux ?
Non absolument pas ! Je suis venu à Paris pour rencontrer Alejandro. Nous avons parlé pendant 10-15 minutes, et je lui ai dit à quel point j’étais fan et que cela ferait une belle histoire. Et à la fin de la discussion, il m’a dit qu’il était partant mais qu’il y avait un problème : Michel Seydoux détient tout l’artwork de Dune, et on ne peut pas faire le film sans. De plus, il pense que Michel Seydoux le déteste !
J’ai donc contacté Michel Seydoux, je suis allé dans ses bureaux, où de nombreux objets de Dune sont affichés. Il était ravi du projet, mais il avait un problème : il pense que Jodorowsky le déteste !
Ce n’était qu’un malentendu, ils ne s’étaient plus parlé depuis 40 ans. Ils avaient passé tellement de temps sur ce projet, pour finalement le voir capoter, que chacun pensait que l’autre lui en voulait d’avoir gâché son temps.
En tant que réalisateur, en voyant tout ce projet, n’avez-vous pas eu envie de réaliser ce Dune de Jodorowsky ?
Vous savez, pour moi, le Dune d’Alejandro n’est pas un échec. C’est même un succès : ils ont énormément travaillé, construit toute une identité graphique, ce qui a mené à un storyboard absolument complet. Tout le film tient dans ce storyboard, page après page. Ils n’ont jamais vraiment échoué, puisqu’ensuite ils n’ont jamais commencé à le tourner. Même Alejandro ne pense pas avoir échoué, avec Dune il voulait changer le monde et inspirer les spectateurs. Ce projet a mené vers tellement d’autres films et d’autres expériences que pour lui c’est une réussite.
Pensez-vous qu’un jour ce film sera réalisé ?
Cela a été fait avec Lynch, et je ne sais pas si quelqu’un est capable de faire la version d’Alejandro, même aujourd’hui. Je ne suis pas sûr que lui-même puisse réaliser la version qu’il voulait, car il n’a plus son équipe de « guerriers » autour de lui. Nous sommes dans une époque différente, et s’il fallait faire Dune, il fallait le faire avant Star Wars. Nous sommes dans un monde post Star Wars, où tout a changé en 1977 à la sortie du premier volet. Que serait-il passé si Dune était sorti ? Le monde aurait peut être changé. Le cinéma ne comporterait pas des « films pop-corn » comme Star Wars, qui ne servent qu’à vendre des jouets, mais des films psychadéliques et plus réfléchis comme Dune. Les films les plus puissants sont ceux que l’on a dans nos têtes, et à ce niveau-là, Dune est indétrônable et irréalisable aujourd’hui.